6.2.09

Misery is butterfly


Il venait de la voir. La fille. Cette fille, qui lui faisait tellement envie. Qui lui filait la rage au ventre, le creux au cœur. Il ne sentait plus rien au contact de ses yeux sur sa bouche, juste le voile de sa pupille, le satin de ses lèvres. Le vide. Il venait de la voir, il venait de la quitter. Encore une fois, une fois de trop. Et ce creux au ventre toujours présent, malgré l’absence.
Il était 12h02, cela faisait deux minutes qu’il sentait son ventre hurler. Toujours plus fort, empli du besoin de dire quelque chose. Quelque chose comme « je ne vois que tes yeux, je ne veux que ta bouche ». Quelque chose de kitsch, comme on en dit qu’au cinéma. Quelque chose qui pourrait changer le cours de sa vie a tout jamais. En attendant il était 12h04 et il rentrait chez lui, seul. Le ventre, cet organe de souffrance, se faisait entité. Toujours plus présent, toujours plus bruyant. Il marchait, lentement, rêvant à la fille qui lui retournait l’estomac. Il arrive enfin dans sa rue, encore quelques mètres avant d’ouvrir la porte de son immeuble, de son appartement, de sa chambre. Avant d’ouvrir ses draps, avant d’entrer dans son lit, de s'enfermer dans ce cocon de chaleur à tout jamais et d’oublier la fille, et l’estomac avec.
Mais avant d’atteindre ce paradis cotonneux, il lui fallait encore traverser toute sa rue, accompagné du creux dans le ventre. Il passe devant les boutiques, devant les vitrine, devant le superflus. Il s’arrête malgré tout dans un tabac, « un paquet de Marlboro » s’il vous plait. « Et un snickers ». C’est bien connu, le chocolat, ça apaise les maux de cœur. « Merci », il dit, et plus vite qu’il n’est rentré, il sort et reprend son chemin. Il allume une clope, il respire à nouveau. Il déchire le papier doré du snickers, il vit à nouveau. Oubliée la fille, la peur, l’envie, l’odeur. Oubliée le creux, oublié le ventre. L’estomac ne crie plus, il est muet. L’estomac est soulagé.
« Ah bah… ce n’était que la faim en fait », il dit. Il continue son chemin.

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